Quand je lui ai demandé à quoi ressemblait sa vie avant David, Nathalie a mis du temps à me répondre. Elle semblait ne plus se souvenir. Comme si le temps avait pris son temps depuis la naissance de David. Comme si sa vie avait pris un autre rythme. Celui de David…
Après être retournée dans ses souvenirs, Nathalie me parla de ses études en psychologie, de son travail dans un bureau d’assurance, de ses amours et enfin, de David. Bébé désiré de Nathalie et de son conjoint de l’époque, David était attendu de tous. En somme, la grossesse de Nathalie s’était bien déroulée jusqu’à ce qu’elle atteigne le cap du cinq mois. Mais, à partir de ce moment, les contractions sont devenues de plus en plus fréquentes et les médecins ont décidé de faire un suivi plus régulier de la grossesse de Nathalie. Aussi, on pratiqua une échographie à 28 semaines de grossesse afin de vérifier que David se portait bien. Tout semblait normal. Quel bonheur!
Par contre, l’échographie de la 32e semaine ne fut pas aussi rassurante. En effet, les médecins remarquèrent des taches sur le cerveau du bébé. Verdict : David avait subi un accident vasculaire cérébral (AVC) intra utérin. La vie du jeune couple venait de basculer et chacun absorbait la nouvelle à sa façon avec ses peurs et sa compréhension. Chacun de son côté…
Comme David était petit, les médecins prirent la décision de ne pas accoucher immédiatement Nathalie. Toutes les journées supplémentaires passées in vitro rendaient David plus fort. Par contre, Nathalie dut se rendre trois fois par semaine à l’hôpital afin que l’équipe médicale s’assure que le bébé allait bien… C’était en décembre. La période où l’ambiance doit être à la fête et où les réunions de famille se succèdent. Pour Nathalie, il en était tout autrement. Elle ne voulait pas parler de la situation de David avec ses proches ni avec ses amies qui, pour la plupart étaient aussi enceintes ou venaient d’accoucher de bébés en pleine santé. Elle vivait sa peine, seule, dans un moment où elle aurait dû être entourée, accompagnée, consolée…
À 38 semaines de grossesse, c’est l’urgence! Il n’y a plus suffisamment de liquide amniotique dans l’utérus de Nathalie. Les médecins pratiquèrent donc une césarienne la journée même et Nathalie donna naissance à David le 12 janvier 2007. Il était beau, parfait, et rien n’indiquait qu’il pouvait avoir quelques séquelles que ce soit de son AVC. Toutefois, deux mois plus tard, des tests démontrèrent de graves dommages sur le cerveau de David. La réalité venait de frapper.
En mai 2007, le verdict tomba. David était atteint d’épilepsie réfractaire et de paralysie cérébrale. Un dur coup pour Nathalie qui ne put trouver réconfort auprès du père de David. Chacun vivant cette peine de façon trop différente, avec des réactions totalement opposées…
Pendant l’été 2007, l’épilepsie de David s’accentua de façon incontrôlée. Même une forte médication n’y changeait rien. Nathalie était épuisée. Le manque de sommeil et l’inquiétude s’ajoutaient aux nombreux rendez-vous à régir, aux différents problèmes de santé qui s’ajoutaient un à un et, inévitablement aux problèmes de couple. Une véritable spirale qui entrainait Nathalie vers le bas.
Au moment où la situation semblait à son pire, une nouvelle tuile s’abattit sur Nathalie. En effet, David cessa de s’alimenter à cause de reflux gastriques sévères. Il perdit énormément de poids et les médecins durent lui installer un tube nasogastrique afin que ses parents puissent l’alimenter. Les médecins parlèrent alors de gastrostomie à Nathalie et au père de David. Nathalie voyait la gastrostomie comme la meilleure façon de garder David en vie. Pour le père de David, ce n’était pas une solution envisageable. Les différents dans le couple devenaient trop grands. Nathalie prit donc la décision de partir avec David chez ses parents afin d’y voir plus clair. Pendant cette période, David eu une intervention chirurgicale afin d’installer la sonde de gastrostomie. Suite à cette intervention, Nathalie demanda le divorce…
C’est au cours de cette période que Nathalie fit la découverte des groupes de soutien. Une formidable bouée qui lui permit de trouver le soutien dont elle avait tellement besoin. Tout doucement, elle réussit à reprendre pied et à faire des plans pour l’avenir. L’idée de créer une association ou un service qui offrirait du soutien aux familles où vit un enfant handicapé dans les moments difficiles germa tranquillement dans son cœur.
Au cours de l’année suivante, Nathalie fit la connaissance de celui qui serait son conjoint pour les 5 prochaines années. Un amoureux qui l’accompagna dans une période riche en émotions. En effet, c’est pendant cette période que l’épilepsie de David s’aggrava et que rien ne semblait pouvoir améliorer sa condition. Les médicaments ne faisaient plus effet et David subissait plusieurs crises par heure, toute la journée. Nathalie devait constamment garder David dans ses bras. Les médecins discutèrent alors d’une possible opération au cerveau qui permettrait de contrôler les crises. Mais, avant tout, David devait passer plusieurs tests afin de déterminer s’il était un bon candidat pour la chirurgie. Des moments de pure angoisse pour Nathalie qui espérait plus que tout que David puisse subir cette opération qui, disons-le, sauverait littéralement sa vie.
Le 14 mars 2013, David entra en salle d’opération afin que les chirurgiens retirent environ le tiers de l’hémisphère droit de son cerveau et séparent complètement les 2 hémisphères. Ce fut une longue intervention qui, heureusement, se solda par des résultats plus que positifs. Suite à cette opération, les crises disparurent presque et David recommença à s’alimenter par la bouche. Le jour de l’opération, pendant qu’elle attendait dans la salle d’attente destinée aux parents, Nathalie se fit une promesse. Son projet d’aider d’autres parents avait trop tardé. Si David sortait vivant de cette importante intervention, elle mettrait sur pied une association ou un service d’accompagnement et d’information pour les parents. Après une longue année de réhabilitation pendant laquelle David dut réapprendre à tout faire, même sourire, Nathalie mit sur pied L’Étoile de Pacho – Réseau d’entraide pour les parents d’enfants handicapés. Nathalie met tout son cœur à accompagner des parents qui, comme elle il n’y a pas si longtemps, cherchent des réponses et des personnes qui comprennent vraiment ce qu’ils vivent au quotidien.
Aujourd’hui, Nathalie donne une grande partie de son temps et de son énergie à développer l’Étoile de Pacho. Elle souhaite que ce service soit reconnu par le réseau et les bailleurs de fonds afin qu’elle puisse continuer d’offrir un soutien aux familles qui en font la demande. Comme elle ne reçoit aucun salaire pour son travail, et qu’elle est maintenant monoparentale depuis 2015, Nathalie a dû se résigner à faire appel à l’aide sociale. Cette aide, dit-elle, lui permet de payer les factures et nourrir son fils. Il ne s’agit pas d’une solution permanente, mais bien d’un tremplin vers autre chose.
Depuis peu, David a reçu un diagnostic de diabète type 1 (insulinodépendant). C’est un peu comme si le sort envoyait un autre défi à Nathalie et à David. Qu’à cela ne tienne! Nathalie relève la tête et fait un grand sourire au destin. Ce défi là aussi elle le relèvera pour David et parce qu’elle croit que la vie est belle, malgré tout…